"Je voulais vraiment devenir quelqu'un dans la vie"
Laurindo est né au Brésil dans les années 1960. Il a une enfance difficile mais heureuse dans les favelas. Il refuse de tomber dans le traffic de drogue et cire des chaussures pour gagner un peu d'argent. "Je croyais : c'est bien d'être honnête" nous dit-il. Au fond de lui, Laurindo est sûr d'une chose, "[il veut] vraiment devenir quelqu'un dans la vie".
Il épouse très jeune une fille encore plus jeune dont il est très amoureux. Tous les deux doivent aussitôt assumer un foyer. C'est la belle-mère de Laurindo qui lui apprend à préparer la cuisine traditionnelle brésilienne, et tout de suite cela devient pour lui une passion.
Pour "devenir quelqu'un", Laurindo fait des études. Il devient professeur de mathématiques puis passe les concours de la fonction publique et devient comptable pour l'Etat brésilien.
"Alors petit black des favelas, c'est toi qui as insinué que je suis corrompu ?"
Comptable et fonctionnaire, Laurindo travaille dur et se pense heureux. Il fréquente l'élite de la société brésilienne et gagne assez d'argent pour mener une vie aisée. "Malheureusement, avoue-t-il, j'avais le sentiment d'avoir réussi dans la vie".
Cette existence tranquille prend brutalement fin. Laurindo commence à découvrir des affaires de corruption dans les hautes sphères du pouvoir brésilien. En relisant les factures d'un fond de santé, il s'aperçoit d'une incohérence et décide de ne pas la couvrir.
Très vite on le convoque dans un bureau, il se trouve face à un homme, grand, aux cheveux blonds. Il s'adresse à lui avec violence : "Alors petit black des favelas, c'est toi qui as insinué que je suis corrompu ?". Harcelé, menacé, Laurindo craint pour sa vie et décide de fuire le Brésil avec sa femme.
"Cana, pour moi, c'est une réussite."
Le couple arrive en France en 2003. Ils ne connaissent ni le pays ni la langue, mais Laurindo trouve un emploi dans un restaurant brésilien et renoue avec son ancienne passion pour la cuisine.
En 2010, il rencontre Charles, notre chef du pôle froid, qui lui parle de la Table de Cana. Cinq ans plus tard, alors qu'il est au chômage, Laurindo est embauché en extra dans les cuisines. Il y reste plusieurs années salarié en insertion en travaillant dans tous les pôles : le chaud, le froid et la pâtisserie qui l'attire particulièrement.
Enfin en 2016, on lui propose de travailler dans des cafétérias gérées par la Table de Cana, au Palais de la Porte Dorée et à l'Ecole Nationale Supérieure des Arts et métiers. Grâce à sa persévérance et son savoir-faire, Laurindo devient manager de la cafétéria du Palais de la Porte Dorée début janvier 2019. Allez rencontrer ce monsieur à l'histoire extraordinaire qui vous accueillera chaleureusement avec un grand sourire. Laurindo le répète souvent "Cana, pour moi, c'est une réussite. Y être manager aujourd'hui, je peux dire que j'ai réussi ma vie.